mercredi 11 septembre 2019

Victor HUGO ... écrits sur PASAIA - PASAGES ... extraits de " En voyage" Pyrénées .

Suite à ma virée à Pasia-Pasages en Espagne, je me suis replongée dans l'ouvrage que Victor Hugo avait écrit sur ce village : 

  "Cependant notre barque avançait toujours. Elle doubla un petit cap qu’une grande maison ruinée domine de ses quatre murailles percées de portes sans battants et de fenêtres sans châssis.
Tout à coup, comme par magie, et sans que j’eusse entendu le sifflet du machiniste, le décor changea, et un ravissant spectacle m’apparut.  



Un rideau de hautes montagnes vertes découpant leurs sommets sur un ciel éclatant ; au pied de ces montagnes, une rangée de maisons étroitement juxtaposées ; toutes ces maisons peintes en blanc, en safran, en vert, avec deux ou trois étages de grands balcons abrités par le prolongement de leurs larges toits roux à tuiles creuses ; à tous ces balcons mille choses flottantes, des linges à sécher, des filets, des guenilles rouges, jaunes, bleues ; au pied de ces maisons, la mer ...



 à ma gauche, au premier plan, au pied d’une autre montagne, un autre groupe de maisons à balcons aboutissant à une vieille tour démantelée ; des navires de toute forme et des embarcations de toute grandeur rangées devant les maisons, amarrées sous la tour, courant dans la baie ; sur ces navires, sur cette tour, sur ces maisons, sur ces guenilles, sur cette église, sur ces montagnes et dans ce ciel, une vie, un mouvement, un soleil, un azur, un air et une gaieté inexprimables ; voilà ce que j’avais sous les yeux. Cet endroit magnifique et charmant comme tout ce qui a le double caractère de la joie et de la grandeur, ce lieu inédit qui est un des plus beaux que j’aie vus et qu’aucun « touriste » ne visite, cet humble coin de terre et d’eau qui serait admiré s’il était en Suisse et célèbre s’il était en Italie, et qui est inconnu parce qu’il est en Guipuzcoa, ce petit éden rayonnant où j’arrivais par hasard, et sans savoir où j’allais, et sans savoir où j’étais, s’appelle en espagnol Pasages et en français " le Passage ".
La marée basse laisse la moitié de la baie à sec et la sépare de Saint-Sébastien qui est lui-même presque séparé du monde. La marée haute rétablit « le Passage ». De là ce nom. 




... la barque avait touché le débarcadère. J’étais tellement ébloui du lieu que j’ai jeté en hâte ma peseta à Manuela, et que j’ai sauté sur le rivage, oubliant tout ce que m’avait dit l’espagnol, et l’espagnol lui-même, qui a dû, j’y songe maintenant, me regarder partir d’un air fort ébahi.
Une fois à terre, j’ai pris la première rue qui s’est présentée ; procédé excellent et qui vous mène toujours où vous voulez aller, surtout dans les villes qui, comme Pasages, n’ont qu’une rue.
J’ai parcouru cette rue unique dans toute sa longueur. Elle se compose de la montagne, à droite, et à gauche de l’arrière-façade de toutes les maisons qui ont leur devanture sur le golfe. Ici, nouvelle surprise. Rien n’est plus riant et plus frais que le Passage vu du côté de l’eau ; rien n’est plus sévère et plus sombre que le Passage vu du côté de la montagne. 



Ces maisons si coquettes, si gaies, si blanches, si lumineuses sur la mer, n’offrent plus, vues de cette rue étroite, tortueuse et dallée comme une voie romaine, que de hautes murailles d’un granit noirâtre, percées de quelques rares fenêtres carrées, imprégnées des émanations humides du rocher, morne rangée d’édifices étranges sur lesquels se profilent, sculptés en ronde-bosse, d’énormes blasons portés par des lions et des hercules et coiffés de morions gigantesques. Par devant ce sont des chalets ; par derrière ce sont des citadelles.
Je me faisais mille questions. Qu’est-ce que ce lieu extraordinaire ? Que peut signifier une rue écussonnée d’un bout à l’autre ? On ne voit de ces rues-là que dans les villes de chevaliers comme Rhodes et Malte. D’ordinaire les armoiries ne se coudoient pas. Elles veulent l’isolement ; elles ont besoin d’espace comme tout ce qui est grand. Il faut tout un donjon à un blason comme toute une montagne à un aigle. Quel sens peut avoir un village armorié ? Cabanes par devant, palais par derrière, qu’est-ce que cela veut dire ? Quand vous arrivez par la mer, votre poitrine se dilate, vous croyez voir une bucolique ; vous vous écriez : Oh ! la douce et candide et naïve peuplade de pêcheurs ! Vous entrez, vous êtes chez des hidalgos, vous respirez l’air de l’Inquisition ; vous voyez se dresser à l’autre bout de la rue le spectre livide de Philippe II.
Chez qui est-on quand on est à Pasages ? Est-on chez des paysans ? est-on chez des grands seigneurs ? Est-on en Suisse ou en Castille ? N’est-ce pas un endroit unique au monde que ce petit coin de l’Espagne où l’histoire et la nature se rencontrent et construisent chacune un côté de la même ville, la nature avec ce qu’elle a de plus gracieux, l’histoire avec ce qu’elle a de plus sinistre ?

...Au bout de deux heures, ayant tout vu ou du moins tout effleuré, je me suis rembarqué.  
 De retour à Saint-Sébastien, j’ai annoncé dans mon auberge que j’irais le lendemain m’installer à Pasages " 

ps : vous pouvez aussi vous régaler de la suite de cette lecture, Hugo y décrit la maison qu'il loua ensuite à Pasages ... et il estclair que c'est d'une extrême fidélité, un régal quand on l'a visitée.
...et voici quelques photos de la maison où s'installa HUGO l'été 1843.



   sa chambre ...

 la vue depuis la fenêtre de sa chambre

... et Bibi ravie de cette virée ! 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire