Je l'avais lu et relu ce roman de BORIS VIAN et rêvé de prendre le cœur de Colin qui savait inventer de si drôles de machines... et je suis allée le rechercher sur de vieilles étagères un peu oubliées au grenier...et je l'ai retrouvé avec sa couverture jaunie.
Je l'ai relu, le plaisir était là, comme neuf.
Ah oui ! j'avais rêvé de prendre le cœur de Colin qui savait inventer de si belles machines pour enchanter le réel !
Mais Colin avait eu le coup de foudre pour la douce Chloé dont la poitrine, hélas, était dévorée par un nénuphar...
Je ne m'étais jamais imaginé qu'un roman si follement créatif et poétique pouvait être adapté au cinéma . Comment traduire ce foisonnement, ce débordement, cette folie créatrice?
Des images pouvaient-elles rivaliser avec la force des mots ?
Des images " en vrai" pouvaient-elles rivaliser avec celles que mon imagination avait créées ?
Ah ! traduire la légèreté de l'Ecume!
Traduire l'impalpable, la poésie...était-ce vraiment possible ?
Il semblerait que le pari soit réussi.
Michel Gondry a adapté le roman de Boris Vian,
c'était un pari audacieux... ( comme on dit )
M.Gondry a réussi à ciseler des séquences truffées de pépites visuelles et...
arrive à nous surprendre !
Partout des trouvailles, presque à chaque plan, et une réelle beauté.
Et le jeu fin et brillant d'Audrey Tautou, Romain Duris ( un de mes chouchous ) et Omar Sy.
Vian n'est pas trahi,Vian est servi et c'est tant mieux.
L'oreille aussi se réjouit de ce jazz impossible à dissocier du roman.
Le jazz et les fêtes avaient été un moyen pour Boris de compenser l'ennui que lui procuraient ses études à l'École centrale.
Il avait rencontré Claude Luter( entre autres ) et s'était joint à lui pour ouvrir un club de jazz le New -Orléans- Club à Saint-Germain-des-Prés. Ils ont joué ensemble dans plusieurs "caveaux" et après la Libération, on le retrouva avec l'orchestre Abadie alors considéré comme l'un des meilleurs orchestres de jazz amateur de l'époque.
Michel Gondry a su utiliser cet amour du swing...dans son film, chouette !
Et pour en revenir au roman et à Vian, je ne peux pas résister, par les temps qui courent,
il me faut rappeler ce passage :
" Colin:...Ils travaillent pour vivre au lieu de travailler à construire des machines qui les feraient vivre sans travailler.
-C'est compliqué, estima Chloé.
-Non, dit Colin, c'est très simple, ça devrait venir progressivement. Mais on perd tellement de temps à faire des choses qui usent...
-Mais tu crois qu'ils n'aimeraient pas mieux rester chez eux et embrasser leur femme et aller à la piscine et aux divertissements?
-Non, dit Colin, parce qu'ils n'y pensent pas.
-Mais est-ce que c'est leur faute si ils croient que c'est bien de travailler?
-Non, ce n'est pas leur faute. c'est parce qu'on leur a dit: " le travail c'est sacré, c'est bien, c'est beau, c'est ce qui compte avant tout, et seuls les travailleurs ont droit à tout". Seulement, on s'arrange pour les faire travailler tout le temps et alors ils ne peuvent pas en profiter.
-Mais alors, ils sont bêtes? dit Chloé.
-Oui, ils sont bêtes, c'est pour ça qu'ils sont d'accord avec ceux qui leurs font croire que le travail c'est ce qu'il y a de mieux; ça leur évite de réfléchir et de chercher à progresser et à ne plus travailler.
-Parlons d'autre chose, dit Chloé. c'est épuisant ces sujets-là. Dis-moi si tu aimes mes cheveux..."