vendredi 4 septembre 2015

Nous avions beaucoup marché ... de Marc LAFFOLAY

Un texte et une encre de Marc LAFFOLAY :
...Nous avions beaucoup marché...

 
"Nous avions beaucoup marché.
Depuis longtemps nous marchions.
Par envie, par curiosité puis par ennui et par nécessité.
Enfin, il était devenu urgent de marcher. ...

De traverser des pays et des rivières.
De traverser des montagnes et des forêts.
Poussés par les ruines chaudes.
Nous avions été tentés de nous arrêter parfois.
De nous installer.
De prendre à nouveau racine.
A plusieurs reprises nous nous étions dit que cette fois serait la bonne.
Que l’endroit était le bon.
La terre noire serait généreuse.
La rivière serait poissonneuse.
Et les arbres donneraient cabanes et maisons.
Nous avions très vite oublié la poussière des routes et nos bras avaient retrouvé la force joyeuse.
Les clairières s’étaient faites villages aux maisons serrées.
Nous n’osions pas encore chanter par peur secrète de rompre la magie.
D’un revers de main effacer la buée qui couvre la vitre.
Mais c’est la vitre qui se brisait et nous sentions venir le souffle chaud.
Acide et chaud.
Nous savions alors qu’il nous fallait repartir.

Et puis tu as dit je reste.
Là.
Tu as fiché en terre tes deux jambes bien droites.
Comme deux arbres forts.
Tu as laissé filer le chant
Jusqu’au fond de nos ventres
Puis au-delà de nos têtes
Une forêt robuste et fière
Elevée de la terre
A chanter et à croire
A couvrir le vacarme
Une forêt d’hommes immobiles
Accrochés debout
A se prendre le souffle
A se prendre les cris
A ne pas donner prise
Pour que passe
La rage folle
Qui fait trembler la terre
Et casse les maisons
Et que subsistent sous la cendre
Nos rêves encore plus forts

Encore plus forts

 

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